La prépa mentale d'un vieux lord
La génétique ne vous a pas gâté et vous n’avez eu d’autres choix que d’essayer de compenser….Compenser par un travail acharné…Espérant un semblant de corrélation entre charge de travail et niveau atteint…
Et le constat est amer…Vous ne progressez plus… Vous ne parviendrez jamais à combler le fossé qui vous sépare des bien lotis génétiquement..des nantis..
Mais outre les qualités génétiques, l’entraînement, et les adaptations qui en découlent, peut être n’avez-vous pas encore exploité pleinement une composante non négligeable de la performance ? Vos qualités mentales..
Non ! Il ne s’agit pas ici de s’adonner à de la psychologie de comptoir, d’asséner des préceptes tirés d’un stage de développement personnel pour cadres sups formatés….Il ne s'agit pas de vanter les mérites d’une variante de la méthode Coué…
Il s’agit de tirer des enseignements d’un athlète mythique qui comme vous s’est vu un jour face à ses limites…Le grand Bannister ! Le premier homme à franchir la barrière mythique des 4 minutes au mile....Cette barrière à l'époque semblait infranchissable et pourrait s'apparenter à celle des 2 heures sur marathon aujourd'hui.
Bannister fut le premier à comprendre de façon intuitive que la clé du record n’était peut-être pas dans l’amélioration des performances physiques mais dans une meilleure approche mentale …un conditionnement de son cerveau....
Lord Bannister ! Ce mec est intemporel et sait de quoi il parle !
Comment battre son record en adoptant l’approche mentale de Lord Bannister, premier homme à être descendu sous les 4 minutes au mile dans les années 50 ?
Enseignement n° 1 : Repousser la limite inconsciente de son central gouverneur plus loin que les autres
En 1954 Bannister avait parmi ses grands rivaux un Australien dénommé Landy. Au cours de cette année, Landy s’était approché à six reprises des 4 minutes au mile, en courant en un peu moins de 4 minutes 03…
Suite à ses 6 échecs, il déclara alors : « C’est un mur en brique. Inutile d’essayer à nouveau. »
Bannister, en revanche, était convaincu de la possibilité de battre ce record.
Selon le grand physiologiste Sud Africain Tim Noakes ! C’est le cerveau qui décide l’arrêt de l’effort ! C’est lui qui, en intégrant différentes informations provenant de l’organisme, décide de maintenir le rythme adopté ou de mettre le clignotant….
Cette théorie baptisée la théorie du gouverneur central, implique une nouvelle définition de la fatigue, qui devient une émotion, évidemment dépendante de facteurs psychologiques..
Bannister est parvenu à convaincre son gouverneur central que c’était réalisable.
Le central gouverneur de Landy était en revanche persuadé que les limites physiologiques humaines rendaient ce record impossible
Landy avait aussi les capacités pour battre ce record. D’ailleurs, très peu de temps après le franchissement de cette barrière mythique, Landy parvint aussi à franchir cette barrière…
Devant 3000 spectateurs, Bannister court le mile en 3 minutes 59 secondes dans le stade d'OXford, le 6 mai 1954, devant son grand rival au potentiel physique au moins aussi grand, l'Australien Landy
Il semble évident à travers cet exemple, que les grands champions ne placent pas leur limite inconsciente au même niveau que les autres athlètes…Bannister faisait partie de ces champions….Le premier enseignement à tirer de cet athlète qui courait il y a plus de 50 ans, est qu' il convient de ne pas se fixer de limites inconscientes…
Enseignement n°2 : Eduquer son cerveau
Selon le modèle du gouverneur central de Tim Noakes, s’entraîner ne consiste pas simplement à mettre en place des adaptations physiologiques mais aussi à éduquer son cerveau….Et de façon intuitive Bannister adoptait déjà ce précepte…
Ainsi, Bannister s’est-il attelé à effectuer des entraînements en sectionnant la course en série de 400 mètres..Il s’entraîna jusqu’à effectuer des 400 mètre en 1 minute, soit 24 km/H….Progressivement, cette vitesse fut intégrée par son central gouverneur….En courant sur des segments plus courts, à une vitesse de course s’apparentant à celle de la compétition, Bannister a éduqué son cerveau à courir à cette vitesse…..Rendant celle-ci quasi automatique…
Enseignement n°3 : Visualiser sa course et adopter un rythme réaliste
Pour Bannister, il est crucial de visualiser sa course, d’intégrer le maximum d’informations …
Il vous est certainement arrivé à la fin d’une course de rencontrer un obstacle inattendu, une côte énorme, des escaliers…Votre gouverneur central s’en est alors pris à votre conscient en criant : « Mais tu ne m’avais pas dit qu’il y avait cet obstacle ». Peut-être vous est-il venu alors l’idée d’arrêter ? ..Oui ! Votre central gouverneur s’est révolté et s’est servi de cette absence d’information comme d’un argument pour ne pas imposer à votre organisme un effort supplémentaire risquant de le mettre en danger….
Votre gouverneur central, pour adopter le rythme optimal, a besoin de connaître un maximum d’informations…
Ainsi, envisager un objectif réaliste, s’être adonné à un exercice de visualisation vous préparant à ce désir d’arrêter, vous permettra de retarder l’arrêt de l’effort.
Il convient aussi de segmenter cette épreuve.Se fixer des temps intermédiaires permet de convaincre ce gouverneur central que l’objectif est réalisable et que la prise de risque en vaut la peine…Plus l’activité est intense, plus ces segments doivent être courts...A la fin d'un marathon, lorsque vous êtes dans les dur, ces segments peuvent être raccourcis....
Excusez-moi madame ? La musique pour oublier l'inconfort, c'est bien ! Mais avez-vous entendu parler de Bannister et de la zone de fonctionnement intérieur ?
Evidemment, planifier sa course, adopter le rythme optimal, est d’autant plus facile que l’expérience est grande…
Progressivement, avec l’expérience, les athlètes apprennent à transférer la responsabilité du rythme de leur conscient à l’inconscient de leur gouverneur central….
En éduquant son cerveau à la vitesse de course, en visualisant cette course, en la segmentant, en informant au maximum le gouverneur central de ce qui l’attend, l’athlète se laisse dicter le rythme et peut entrer dans cet état que les anglo-saxon appellent le flow. Oui ! Cette immersion totale dans une activité . Les scientifiques parlent plutôt de zone optimale de fonctionnement intérieur…
Laisser agir son subconscient, être en pilotage automatique après des heures et des heures d’entraînement, aboutit finalement à une plus grande efficacité qu’en sollicitant le cortex préfrontal et ses pensées conscientes…
Si les sportifs du dimanche ont tendance à chercher à se distraire par d’autres pensées pour oublier l’inconfort, il semble évident que pour un sportif entraîné, l’intervention de pensées conscientes indique qu’ils ne coure plus de façon optimale. Quand le cortex préfrontal intervient, c’est souvent au détriment de l’efficacité, et à l’origine de pensées négatives pouvant influer sur l’arrêt de l’effort.
Enseignement n°4 : Planifier sa stratégie de course
Peu de temps avant cette course mythique contre Landy, Bannister s’était efforcé d’effectuer une course en courant assez facilement les trois premiers tours pour terminer par un dernier tour en 53 minutes 8 secondes.
Suite à cette course, Landy fut convaincu qu’il n’avait d’autres solutions que de partir vite pour espérer battre Bannister.
Ainsi, lors de la course du siècle, Bannister força Landy à adopter une stratégie qui lui convenait parfaitement.
Il est très important d’opter pour la bonne stratégie de course afin d’informer avant la course votre central gouverneur de ce à quoi il doit s’attendre.
La stratégie de course employée par Bannister lui permis d’optimiser ses capacités. En revanche, Landy, en partant trop vite, s'est écroulé....Son gouverneur central n’avait pas été pré-programmé pour ce type de course…
Enseignement n°5 ! Se dépouiller plus en compétition qu’à l’effort
Dans l’ancien modèle, la fatigue était un état physiologique mesurable occasionné par l’épuisement des réserves, une acidité trop forte, ou une incapacité à délivrer suffisamment du dioxygène….
Mais alors comment expliquer les performances souvent meilleures lors des grandes compétitions si l’arrêt de le performance s’explique par un état physiologique mesurable, un point final, que Tim Noakes aime à baptiser : "the end point…."?
Seule la théorie du gouverneur central ou plus récemment de Marcora, permettent d’expliquer ces meilleurs résultats..ET là encore, il faut bien avouer que Bannister était un expert en la matière…Bannister savait se dépouiller le jour J.
Dans des grands moments, le gouverneur central semble autoriser un effort supérieur.. Mais celui-ci n’accepte pas de mettre l’organisme en danger à chaque instant..Il convient donc de le persuader que cette course revêt un caractère plus important que les autres…
Ainsi, Tim Noakes, persuadé de l’importance du cerveau dans la gestion de l’effort, recommande de ne pas effectuer plus d’un marathon par an afin de l’effectuer dans la plénitude de ses moyens psychologiques….
4 minutes de pur bonheur ! De rêve !! Merci Monsieur Bannister !
Bannister avait une approche scientifique de la course. Il formulait des hypothèses, et il les testait…Il testait les réactions de son organisme au stress occasionné par un entraînement spécifique..
Avoir une approche scientifique, c’est formuler des hypothèses qui sont parfois fausses…C’est ne pas attendre d’un programme un résultat obligatoire..C'est être son propre psychologue.
Aucun athlète ne réagit de la même manière à un type d’entraînement..
Chaque athlète, possède un bagage génétique, physiologique et mental, qui lui est propre..
Le plus important est la façon dont vous exploitez ce bagage génétique, physique et mental…
Oui ! Vous aussi ! Vous pouvez vous faire une Bannister !!
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Bibliographie :
Lore of runnig, Tim Noakes
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