Dopage
Se doper au caca !
Que nous vivions en symbiose avec des milliards de bactéries et qu’ 1,5 kilogrammes de ces micro-organismes habitent pour beaucoup, non loin de notre fion, au sein de notre colon, n’alimentent pour le moment que très rarement les conversations d’avant course ! Il se pourrait bien pourtant, que dans l’avenir, l’importance de nos selles, vienne largement à suppléer celle d’un gel. Il se pourrait bien que certains cacas, viennent à s’échanger au même titre que la testo, la cortisone, l’EPO.
En quoi ce micro monde, baptisé microbiote ou plus classiquement flore intestinale, pourrait-il nous aider à atteindre la postérité ? En quoi du caca pourrait nous permettre, au même titre qu’un produit dopant, d’améliorer nos performances ?
Un mélange d'eau et de caca prêt à l'emploi...Et si ces seringues venaient à supplanter gels et autres compléments ?
Deux cerveaux et des milliards de bactéries
Allons y crescendo ! Les mécanismes contrôlant la prise alimentaire sont d’une telle complexité qu’il nous faut bien au moins deux cerveaux. L’un d’entre eux ne vous est pas inconnu. Il se situe entre vos deux oreilles. Quant à l’autre il se trouve dans votre intestin ! ET parler de cerveau n’est nullement exagéré ! 300 à 600 millions de neurones se situent autour de votre intestin, entre les cellules absorbant les nutriments, celles libérant des hormones, et les cellules musculaires permettant le transit des aliments. Un tel nombre de neurone équivaut au cerveau d’un chat !
Ces deux cerveaux communiquent entre eux via le nerf vague et grâce à la libération d’hormones. Or des études sont parvenues à démontrer que notre flore intestinale est capable de réguler, d’amplifier cette communication.
Pour démontrer cela, l’équipe de John Cryan a travaillé en 2011, à l’Université de Cork en Irlande, sur des souris axéniques. Rien à voir avec des souris anorexiques ! Celles-ci sont élevées en milieu stérile. Normalement, dès la naissance, comme chez l’homme, divers groupes bactériens colonisent dans un ordre bien précis le tube digestif. Ces rongeurs, sont eux, dépourvus de toute flore intestinale.
Et, John Cryan a observé une activité électrique moindre au niveau du nerf reliant les deux « cerveaux » chez ces rongeurs sans flore intestinale. Ainsi, il semblerait bien que les bactéries amplifient la communication entre ces deux organes.
Ils en sont alors venus à formuler l’hypothèse qu’un déséquilibre au niveau de la flore intestinale pouvait peut-être être à l’origine de certains troubles en relation avec la fonction de nutrition tels que l’obésité et le diabète.
En effet, le cerveau agit ensuite sur divers organes tels que le foie, le pancréas, les muscles, les vaisseaux sanguins, pour stocker lipides et glucides excédentaires ou en délivrer en cas d’apport insuffisants par l’alimentation.
Pour tester l’influence éventuelle de ces bactéries sur ces maladies, les chercheurs se sont à nouveau amusés avec leurs petits rongeurs ! Ils ont colonisé le tube digestif de ces souris axéniques avec un microbiote de souris obèses. Ils ont alors constaté qu’elles prenaient nettement plus de poids que les souris colonisées avec le microbiote de souris minces. Des résultats identiques furent obtenus pour le diabète.
Une simple histoire de microbiote...
Et pourquoi ne pas aussi tester l’influence éventuelle de ces bactéries sur notre comportement social, émotionnel, cognitif ?
Après-tout, différentes études ont révélé que la consommation d’antibiotiques sur une longue période, en déséquilibrant la flore intestinale, favorisait l’anxiété, non seulement chez les souris, mais aussi chez l’homme.
Les souris axéniques sont d’ailleurs souvent plus anxieuses que les souris normales.
Des flores et des maux
Et les expériences destinées à vérifier cette hypothèse sont tout simplement incroyables. Rendez-vous compte ! Si on colonise une souris axénique avec le microbiote d’une souris « timide » ou « extravertie », elle change d’attitude et présente les comportements sociaux de la souris qui lui a donné sa flore intestinale.
Un animal parfaitement calme à qui l’on transfère la flore d’un congénère stressé adopte aussitôt un comportement agité inhabituel de sa part.
Comme le mentionne Tim Spector, professeur d’épidémiologie génétique au King College de Londres, le risque est de considérer la transplantation de selle comme un moyen de guérir toutes maladies.
Un mental de gagnant qui dépendrait en partie des bactéries du fion ?
Or les travaux actuels ne permettent pas encore de de déterminer le bon dosage, le bon timing, afin de rendre l’environnement de nos intestins stables et équilibrés.
C’est la raison pour laquelle, pour le moment, les transplantations fécales réalisées sur l’homme ne se limitent qu’à certaines pathologies bien particulières.
A titre d’exemple, au CHU de Brest, une première transplantation fécale fut effectuée en juin 2016 chez un individu souffrant de violentes diarrhées occasionnées par une utilisation d’antibiotique très longue ayant totalement déséquilibré sa flore bactérienne et provoqué le développement de micro-organismes indésirables.
L’ introduction de selles d’un donneur sain dans le tube digestif de ce patient malade s’est avérée une réussite au bout de seulement 24 heures.
Le New England Journal of Medecin rapporte, en 2013, une étude clinique, montrant que la transplantation fécale est efficace dans plus de 90% des cas pour soigner ce type d’infection. Sa tolérance semble excellente et exercer une action à long terme.
Caca de champion
Mais Lauren Petersen, une jeune microbiologiste de 34 ans, bien que tout à fait informée et consciente du manque de rigueur des études actuelles, n’a pas souhaité attendre les validations cliniques et l’élaboration de protocoles bien établis pour s’effectuer une transplantation fécale.
Atteinte de la maladie de Lyme depuis ses onze ans, et convaincue que son microbiote était déséquilibrée, cette initiative strictement personnelle, sans suivi médicale, s’est vue soldée par une nette amélioration de la santé de cette jeune femme.
Plus surprenant encore ! Pratiquant le VTT depuis l’adolescence, et peinant fortement depuis ces dernières années à pratiquer sa passion, voilà qu’elle parvient à nouveau sans difficultés à effectuer de façon sérieuse 3 entrainements par semaines, s’autorisant même à compétition à venir titiller des coureuses professionnelles.
Loin d’être anecdotique, il est temps de préciser que la flore transplantée provient d’un cycliste de haut-niveau !
Ah ! Nous y voilà ! Le microbiote des athlètes de haut niveau serait-il différent d’un individu lambda ? Sa transplantation fécale aurait-elle eu le même effet avec un individu adepte du divan ?
Sans attendre, la microbiologiste, au sein de son laboratoire de médecine génomique à Fermington ( Connecticut) s’est attelée à comparer la flore intestinale de 35 cyclistes amateurs et 35 cyclistes de haut niveau.
Et il semblerait que cette flore diffère. Notamment , certaines bactéries telle Prevotella ou Methanobrebrevibacter smiithii sont systématiquement présentes dans les groupe des coureurs élites alors qu’elles ne le sont que dans la moitié des coureurs amateurs.
Ce cas particulier suffit-il à valider la possibilité d’un dopage par transplantation fécale ?
Xavier Bigard, conseiller scientifique de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) considère que ce cas particulier ne suffit évidemment pas à valider l’efficacité d’un dopage bactériologique. Seule des études contrôlées et réalisée sur un nombre d’individus suffisamment important peuvent permettre de valider une telle hypothèse…
Il est vrai que les biais sont nombreux. Outre l’effet placebo possible, Xavier Bigard dans un article de « l’Equipe mentionne » les critiques suivantes : «On peut dire ''j'ai trouvé plus de tels types de bactéries chez les cyclistes de haut niveau''... très bien et alors ? Est-ce lié à leur comportement alimentaire, à un caractère génétique, à l'intensité de l'effort, à l'état de déshydratation, de réhydratation, ou d'autres facteurs ?
Et si Chau-Chau nous vendait ses selles plutôt que des gels...
Il n’empêche, malgré les risques de rejet de cette matière fécale étrangère par le système immunitaire, malgré les risques de contracter de multiples maladies (hépatites, ulcères, syphillis..) si le donneur n’est pas parfaitement contrôlé, malgré l’absence de rigueur scientifique de cette initiative personnelle, il y a fort à parier que, déjà, dans les cuisines, des mixtures concoctées à base de déjections fraîches d’athlètes de haut niveau, mélangées à une solution saline, puis filtrées afin d’enlever les particules les plus grosses, attendent d’être injectées dans le tube digestifs de sportifs prêt à tout !
Aucun protocole standardisé et validé n’est encore proposé, mais il est par exemple possible d’utiliser 200 à 300 grammes de cacas, dilués dans 500 ml de solution saline stérile, voire tout simplement de l’eau, afin d’obtenir un mélange de consistance liquide.
Il est vivement recommandé d’effectuer l’opération dans les 6 heures après les recueil et ne jamais dépasser les 24 heures. Autant dire, qu’il est préférable d’inviter votre donneur à l’apéro !
Après filtration, vous pourrez opter pour la méthode de transplantation la plus simple : le lavement ! Oui ! Après vous être nettoyé le fion à l’eau, il ne vous reste plus qu’à vous injecter le précieux mélange.
Pour les êtres quelques peu délicats, et parce qu’il risque d’être difficile d’inviter Jornet ou Froom à l’apéro, sachez qu’il est aussi possible de congeler les excréments à -80°C.
Outre la possibilité de conserver longuement les selles et par conséquent de ne pas avoir nécessairement le donneur à proximité, il est possible par cette technique d’encapsuler le précieux mélange. Résistance à l’acides, ces capsules baptisées « crapsules » peuvent alors être avalées.
Pour les moins téméraires, sachez qu’il n’est pas impossible, que dans quelques années fleurissent dans les rayons des pharmacies, voire même des magasins Décathlon, des gelules de probiotiques pour améliorer vos performances physiques, suppléer certains psychotropes, soigner vos addictions…En attendant, pensez au moins à en congeler ! Oui ! Pensez à conserver votre caca en bonne santé ! On sait jamais ! Qui sait ?
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Bibliographie :
Cerveau et Psycho Octobre 2015/ Connaître son cerveau pour mieux manger page 27-31
https://www.lequipe.fr/Tous-sports/Article/Le-microbiote-fecal-le-dopage-du-futur/813761
http://www.breizh-info.com/2016/06/01/44414/brest-equipe-chru-reussit-transplantation-fecale