Bébé sera-t-il sprinteur ?
Il suffirait d’attendre ! Il suffirait d’attendre 4-5 ans et de l’observer courir avec ses copains..
“Je n’ai jamais vu un gamin lent devenir rapide adulte”. Cette phrase, bon nombre de coach pourraient en être l’auteur. Elle est de Justin Durandt, manager du centre de haute performance Discovery en Afrique du Sud, officiant notamment pour le foot et le rugby. Il en a vu passer des gamins…Plus de 10 000.
En tout cas, il semblerait bien que les pépites soient plus nombreuses du côté des Caraïbes et notamment la Jamaïque…
Une gamine de 12 ans courir un 100 mètres pied nu dans l’herbe en 12,2 secondes…cela ne peut-il s’observer que sur cette petite île ?
Et ce petit bambin manceau issu de l’union d’un papa aigri dont la passion pour le sport n’a d’égale que son absence de talent et d’une maman aux qualités d’explosivité incontestables, mais réfractaire à toute activité physique, peut-il lui aussi posséder un tel talent ? Est-il possible de posséder les bons gènes malgré ses origines sarthoises ? Peut-il néanmoins avoir hérité d'une bonne combinaison allélique ?
Tous les mêmes gènes mais pas les mêmes versions et la même combinaison
Autant le dire tout de suite, elles sont peu nombreuses les études génétiques dans le domaine du sport..
Même si l’idée que des qualités athlétiques soient inversement proportionnelles aux qualités intellectuelles ne trouve son origine que dans l’intolérance, peu nombreux sont les scientifiques souhaitant s’aventurer dans ce domaine, de peur d'une mauvaise exploitation...
Et de toute façon, les fonds de recherche pour la génétique sont plutôt alloués aux études de santé. C’est ainsi, qu’étudier l’obésité juvénile, en plus d’offrir de larges subventions, s’avère bien moins sujet à controverse.
Etrangement, ces recherches sont très souvent subventionnées par Coca, Pepsi, Mc Donald…Ils sont partout ! C’est ainsi que Powerade ( boisson sportive de Coca cola) est partenaire de la Société française de Médecine de l’expertise et du sport (SMES). Et comme le veut le proverbe : “on ne mord pas la main de qui vous nourrit”.
S’il existe indéniablement des gènes de prédisposition à l’obésité. Si l’activité physique ne peut être que bénéfique à la santé des individus. Il apparaît évident que cette mainmise des grandes firmes n’a pour objectif que de faire croire que le problème de surpoids n’est nullement dû à leurs bombes caloriques….Oui ! "Buvez des sodas !!" Tel est le message !
"Si vous êtes gros ! C’est que vous ne bougez pas assez ou que vos parents ne vous ont pas gâté génétiquement ! Nos boissons hyper sucrées, consommées dès le plus bas âge, n’y sont pour rien…."
Muselés les scientifiques ? Le généticien Pitsiladis s’est vu contraint lui aussi de s’orienter dans ce domaine de la recherche…
Mais animé d’une passion dévorante pour le sport, c’est avec ses propres économies, faute de subventions, armé de ses cotons tiges, qu’il s'est mis à arpenter la Jamaïque, à la recherche de ces fameux gènes dont la possession pourrait conférer des qualités d'explosivité hors normes.
C’est ainsi que depuis 20O5, Pitsiladis est parvenu à récolter l’ADN de 125 des meilleurs sprinteurs jamaïcains des cinquante dernières années..
E quels sont les résultats d''une telle chasse ?
Cette population d'individus descendant sous les 10 secondes au 100 mètres aurait-elle un gène ou une combinaison de gènes qui la distingue des individus lambda ?
Quelques variantes génétiques semblent plus présentes chez les sprinteurs que chez les sujets de référence. Celles-ci pourraient donc potentiellement s’avérer conférer un atout pour la vitesse. Mais de l’aveux même de ce passionné, ces résultats ne permettent pas de tirer de conclusions nettes..
C’est ainsi, qu’un de ses étudiants constituant un sujet de référence s’est avéré posséder plus de variantes favorable qu’un sprinter Olympique.
Faut-il donc alors que ce papa attende dix longues années avant qu'en observateur éclairé, il lui faille déterminer les aptitudes de son marmot ? La science de ne peut-elle pas déjà déterminer l'avenir sportif de ce petit paquet de gènes ? Faudra-t-il le pousser vers les sports nécessitant de l'explosivité ou les sport d'endurance ? N'aura-t-il que des aptitudes physiques favorable au jardinage...? L'attente est insupportable !!!
Et il est en vérité, tout de même possible, d'ores et déjà, de savoir si ce rejeton n'a aucune chance de se retrouver en finale du 100 mètres des JO.
Oui, il existe un gènes dont une version semble s'avérer indispensable aux qualités d'explosivité. Il faut bien comprendre que la possession de cette version n'est qu'un élément du puzzle. En d'autres termes, posséder cette pièce ne suffit pas à vous garantir de la réalisation de l'ensemble. En revanche, si vous ne la possédez pas ! C'est mort d'avance !!
Et sur les 7 milliards d'individus dans le monde, 1 milliard peut déjà pleurer !! Oui, on considère qu'un individu sur sept possède la mauvaise version de ce gène en deux exemplaires. Il est donc possible aux six autres milliards de continuer à rêver..Ils ont au moins une pièce du puzzle ! Parmi les milliers de gènes en interaction qui contribuent aux qualités athlétiques, ils en possèdent au moins un ! Mais quel est donc ce gène ? Quel est son rôle ? Comment a-t-il été découvert ?
C'est une généticienne, Kathryn North, à qui nous devons sa découverte. Travaillant sur la dystrophie musculaire de Duchenne, une terrible maladie provoquant le dégénérescence progressive des muscles, cette scientifique constata qu'environ un patient sur 5 ne possédait pas une protéine structurale dénommée l'alpha-actinine-3, dans ses fibres rapides.
Elle fit alors le constat, chez deux de ses malades, qu'ils possédaient une version du gène dont l'information ne permettait pas la synthèse de cette protéine !Bingo ! L'une des causes de cette maladie était une mutation sur ce gène !
Sauf qu'en poursuivant son étude, elle fit l'amer constat que cette version du gène était aussi présente dans les mêmes proportions chez des personnes parfaitement saines. L'absence de cette protéine dans les fibres rapides n'était donc pas la cause de cette maladie.
Mais alors comment expliquer qu'une protéine conservées dans le règne animal, présente chez des animaux aussi divers que le poulet, les mouches, les souris, les blaireaux et même les primates partageant avec nous l'ancêtre commun le plus proche, aient toutes conservées cette protéine ? Les protéines de structures jouent en général un rôle capital voire vitale dans le fonctionnement d l'organisme. Comment expliquer son absence dans une partie de la population humaine ? A quoi sert-elle ? Pourquoi a-t-elle été conservée chez les autres espèces animales ?
C'est alors qu'elle s'est appliquée à étudier sa présence dans différentes populations. Toutes les population noires d'origine africaine possèdent cette protéine. Oui ! Si vous êtes noir ! Vous pouvez souffler ! Vous avec au moins cette pièce du puzzle et peut être aussi les autres....
Mais chez les Australiens blancs, 18% ne produisent pas cette protéine. Et un quart des personnes originaires d'extrême Orient ne la produisent pas non plus !
Certaines mutations très rares confèrent un atout indéniable pour le sprint. C'est ainsi que le sprinter allemand Robert Förstemann possède un tour de cuisse de 72 cm. Il possède une mutation sur un gène défectueux qui ne permet plus la synthèse d'une protéine qui inhibe la développement musculaire. Par le passé, avoir trop de muscles constituait un désavantage pour la survie, les muscles imposant une dépense énergétique très élevée. Cette mutation ne s'est donc pas répandue.
En revanche, elle est présente chez tous les sprinteurs australiens de haut niveau, et bien sûr tous les sprinter jamaicains! Aucun sprinter ayant fait les JO ne possède les deux mauvaises versions de ce gène ! Il semble donc évident que cette protéine joue un rôle dans les qualités de vitesse ! Lequel ? Seules des hypothèses peuvent être formulées.
L'alpha-actinine-3 pourrait avoir un impact structurel sur la vitesse de contraction des fibres musculaires. Chez les souris, l'absence de ce gène semble conférer aux fibres rapides des propriétés plus proches des fibres à contractions lentes propices à un effort d'endurance.
Cette scientifique s'est même aventurée à proposer une thèse évolutionniste ! Le berceau de l'évolution est africain ! Nous sommes tous issus de cette population ancestrale. Et à partir de ce berceau africain, plusieurs vagues migratoires se sont produites. Il n'est pas impossible, qu'au sein de certaines populations vivant sous des latitudes plus froides, l'apparition de la mutation à l'origine de ce gène défectueux n'ait pas été un désavantage pour la survie.
Dans ces populations ayant abandonné le mode de vie chasseur-pêcheur par un mode de vie agricole, la possession de ces fibres musculaires pourrait même avoir conféré un avantage pour les travaux des champs nécessitants de longues heures de labeur....
Alors qu'auparavant cette mutation disparaissait avec l'individu qui la possédait, tant sa possession conférait un désavantage pour courir rapidement, se battre et chasser, voilà que ce nouvel environnement plus froid et impliquant d'autres modes de vie, offre la possibilité à son détenteur de survivre, se reproduire, et donc transmettre cette version aux générations suivantes...Il ne suffit cependant pas à une théorie d'être séduisante pour qu'elle soit exacte..
Le rôle de ce gène reste flou, mais les statistiques sont incontestables..Sa possession est indispensable pour gagner les JO dans une épreuve de sprint !! C'est ainsi que les Etats-unis, précurseurs en matière de test génétique, ont déjà des entreprises privées qui proposent pour la modique somme de 92, 40 dollars, d'informer leurs clients sur les versions du gènes ACTN3 dont ils sont porteurs.
Il y a à peine un an, des chercheurs de la Harvard Medical School, aux Etats-Unis, sont parvenus à corriger un gène de prédisposition au cancer du sein dans un futur ovule.
Oui ! Il existe à présent des techniques capables de modifier le message contenu dans nos gènes. Mais cette technique peut parfois être sujette à de nombreuses erreurs, occasionnant des modifications qui n'étaient pas souhaitées.
Inquiets par les nombreuses dérives possibles, les scientifiques se sont imposés un "moratoire" afin d'entourer ses pratiques d'un cadre bioéthique..Cette technique dont la fiabilité reste à améliorer peut effectivement aboutir à des risques d'eugénisme et l'obtention d'embryons à la carte. Gageons que des apprentis sorciers dénués de toute morale sauront s'y risquer avec peut être à la clé de formidables et inquiétantes performances physiques....Bienvenu aux JO de Gattaca...
Autour du même thème :
Auto-transfusion, mode d'emploi
Bibliographie :
Le gène du sport David Epstein
http://vazel.blog.lemonde.fr/2014/03/02/gros-plan-sur-les-cuisses-des-cyclistes-sur-piste/
http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2015/03/15/bienvenue-a-gattaca-sera-t-il-bientot-realite/
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