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La fin des pâtes !

La règle du jeu est assez simple ! Deux carburants, pour deux moteurs ! Un qui vous octroie un débit énergétique élevé, et qu’il vous faut forcément solliciter pour « envoyer dans les tours », et un autre, aux réserves quasi illimitées, mais ne vous autorisant qu’une allure modérée.

 

Sur un 5, un 10, et même un semi, la totalité de votre énergie peut être produite en piochant dans les réserves de « super carburant ! Il s’agit des glucides ! Et ces glucides sont impliqués dans des transformations chimiques permettant une production d’énergie à haut débit, un peu comme le ferait un moteur très puissant !

Inutile de se préoccuper de la jauge ! Il y en assez ! Vous pouvez pomper allègrement dans ce "super carburant" !. Sur ce type d’épreuve, les facteurs limitants sont tout autres…( dioxygène, acidité musculaire…)

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Sur son record de l'heure, Chauchau s'est mis à des vitesses proches de ses capacités maximales aérobies (90 à 95%) utilisant uniquement son "énorme moteur" . Pour de telles distances, les réserves en glucides s'avèrent encore suffisantes.  

 

 

Au-delà, c’est plus compliqué ! Ne prélever que du « super », c’est courir à la panne sèche et finir à la ramasse en n’ayant plus à sa disposition qu’un vulgaire moteur de tondeuse, pour tenter d’atteindre l’arrivée... si l’hypoglycémie ne vous laisse pas hagard sur le bas-côté.

Alors le mieux, c’est d’utiliser un peu des deux ! Ouvrir de façon astucieuse le robinet des deux réservoirs ! Finir la ligne d’arrivée en ayant sollicité au mieux ces deux voies métaboliques.

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Sur marathon, pas d'autres choix pour Chauchau que d'utiliser le deuxième carburant.

 

 

Par conséquent, l’erreur de rythme, de « pacing » ne pardonne pas…Il faut terminer la réserve à glycogène à sec sur la ligne d'arrivée. Pas avant ! Et nombreux sont ceux qui se questionnent quant aux arrêts aux stands, la façon d’optimiser le rechargement en carburant pendant et avant compétition !

Oui ! Par exemple :

 

Avant compétition, faut-il oui ou non sa goinfrer de pâtes ? Son intérêt a-t-il vraiment été scientifiquement démontré ? 

 

 

Le glycogène musculaire : la star de l’effort longue durée ?

Les réserves en « super carburant » sont principalement localisées dans le foie et les muscles, sous forme de glycogène. Et, celles-ci sont limitées : 600 à 700 g !

Dans les année 70, une nouvelle technique assez douloureuse, consistant à prélever des échantillons de muscles, permis d’étudier l’évolution de la quantité de glycogène musculaire avant, pendant et après l’effort.

Très rapidement, la corrélation entre stocks de « super » dans le muscle et capacité à maintenir un effort de longue durée fut admise. Très rapidement le glycogène musculaire fut considéré comme le facteur clé dans l’apparition de la fatigue au cours d’un effort prolongé.

Les réserves en glycogène musculaires sont effectivement au plus bas chez des athlètes épuisés au cours d’un effort prolongé à 60-80% du VO2max.

D’autres études semblent confirmer cette corrélation et l’importance de ce carburant intra-musculaire.  Les athlètes optimisant leur recharge en glycogène musculaire, en s’empiffrant de féculents avant la course, parviennent à effectuer un effort d’une durée plus importante que ceux ayant opté pour un régime classique.

Quant à un régime pauvre en glucides et riche en lipides, la sanction est sans appel !

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Deux réservoirs de super-carburant ! Et la possibilité de remplir un maximum le réservoir musculaire en s'empifrant de pâtes...

 

 

 

Et voilà presqu’un demi-siècle que chaque athlète longue distance s’efforce de recharger au maximum son stock de glycogène musculaire en s’empiffrant de pâtes et autres féculent la semaine précédant la compétition…Qui oserait, en effet, après de tels arguments, de telles observations, remettre en cause son intérêt ? 

 

 

Corrélations foireuses et effet placebo

 En réalité aucun lien direct entre recharge en glycogène musculaire et durée de l’effort n’a pu être établi. Pour prouver directement l’influence d’une baisse des stocks musculaires de « super », il eut été séduisant d’observer les effet d’une recharge rapide de ces stocks sur l'état de fatigue ! Or cette expérience est irréalisable ! Le rechargement complet des réserves en glycogène musculaire nécessite 12 à 24 heures.

Cette corrélation d’apparence logique et incontestée ne tient finalement qu’à des associations temporelles.

Or, cet épuisement des réserves pourrait très bien se produire en même temps qu’un autre phénomène physiologique, véritable cause de l’arrêt de l’effort.

 L’élévation de la température corporelle, la casse musculaire,  l’activation de certaines zones du cerveau, sont autant de facteurs qui pourraient  en vérité, s’avérer les vrais coupables !

 De plus, la plupart de ces études ne tiennent nullement compte de l’effet placebo. Les athlètes ont souvent connaissance de ce qu’ils prennent. Or, si ceux-ci croient même inconsciemment qu’un rechargement glucidique avant course est bénéfique, il y a fort à parier que leur perf en sera améliorée. 

Etrangement, dans les années 2000, seules deux études (Hawley, Palmer, et al 1997 ; Burke et al 200 )  ont pris la peine d’inclure un groupe placebo.  Et ces deux études ont échoué  à démontrer les bienfaits d’un rechargement glucidique avant course par rapport à un placebo ( substance qui n’était en réalité pas des glucides).

 

Par conséquent, en restant rigoureux sur le plan scientifique, il n’est pas possible d’affirmer  que le rechargement glucidique est sans effet, mais un effet placebo pourrait bien jouer un rôle dans son action.

De plus, son effet direct ne pouvant être démontré, il est tout à fait possible que d'autres facteurs concomitants soient la véritable cause de la fatigue, à commencer peut être par l'un des plus simples : la baisse de la teneur en glucose sanguin, autrement dit l'hypoglycémie. 

 

D'ailleurs, la plupart des études ayant cherché à démontré l'impact des réserves en glycogène musculaire sur l'apparition de la fatigue ne tiennent pas compte de la possibilité d'ingérer des glucides au cours de l'effort !

Or, si la concentration sanguine est maintenue constante, grâce à un apport au cours de l'effort, alors les effets d'une recharge glucidique avant compétition ne sont plus observables. En d'autres termes, sur marathon, se goinfrer de pâtes, ne semble plus avoir grand intérêt, si l'apport en glucides au cours de l'effort permet de maintenir le taux de glucose sanguin.

 

 

 

 

Une vulgaire hypo ! 

Le niveau sanguin de glucose représente une balance entre le niveau auquel le foie produit du glucose et le niveau auquel muscles et autres organes utilisent ce glucose.

Quand les muscles à l’effort utilisent plus de glucose que le foie en délivre, le glucose sanguin baisse et c’est l’hypoglycémie. 

Plus l'intensité de l'effort augmente, plus la quantité de glucose sanguin consommée par les muscles augmente et donc plus le foie libère du glucose pour compenser cette utilisation. 

Pour un effort d'intensité proche de celle d'un marathon (85%V02max), les deux réservoirs de "super carburant", viennent à être épuisés quasiment au même moment !

Difficile par conséquent de déterminer si le mur sur marathon est occasionné par un épuisement des réserves en glycogène du foie ( occasionnant une hypoglycémie ) ou un épuisement des réserves en glycogène musculaire. 

 

 

Mais, s’il n’est pas possible de recharger durant la course les stocks de glycogène musculaire, il en revanche très facile  de limiter l’épuisement des réserves du foie.

Oui ! L’hypoglycémie peut être évitée !  Comment ? Tout simplement en ingérant au cours de l’effort du glucose. Celui-ci n’a alors pour unique intérêt que de se substituer à la libération effectuée par le foie.

 

Sur très longue distance, l’optimisation de cet apport glucidique est encore plus crucial ! En effet, à des intensités d’effort voisine de 70-75% du VO2Max, c’est plutôt le glucose sanguin qui est utilisé, les réserves en glycogène musculaire étant épargnées. Le risque d’hypoglycémie est donc très présent !

 

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Il est ainsi plus aisé de comprendre pour quelle raison le terme de « mur » est réservé au marathon. Cette épreuve s’effectue à une intensité d’effort où le glycogène musculaire a le plus grand risque d’être épuisé.

 

Il n’en reste pas moins que son impact direct sur la fatigue n’a toujours pas été démontré ! Si les effets d'une hypoglycémie sur l'apparition de la fatigue sont indéniables, l'effet de l'épuisement des réserves en glycogène reste à confirmer d'autant que certaines prouesses d'athlètes laissent perplexes quant à son action.

 

 

 

Le retour en force des lipides 

 

Si les chiens de traîneaux excellent avec un régime contenant 60% de lipides et très peu de glucides (5%), il est admis depuis plus d’un demi-siècle qu’un régime riche en lipides n’est pas favorable pour l’homme ;  les glucides s’étant imposant comme le carburant gage de performance.

Pourtant, des études (Geodecke, Christie, et al.1999)  semblent démontrer qu’il est possible de s’adapter à un régime riche en lipide sans voir ses performances en pâtir. Il semblerait même que ce type de régime pourrait optimiser la perf dans les efforts de très longue durée supérieurs à 4heures (environ65%du VO2max).

 Et contrairement aux idées reçues, ce type d’alimentation riche en graisse aurait un effet moins néfaste sur la santé et le risque cardiovasculaire qu’un régime hyperglucidique impliquant la consommation d’aliments ayant un fort indice glycémique, jugés de plus en plus comme nocifs.

Ces études démontrent notamment que la fraction de cholestérol-HDL (bon cholestérol) est plus élevé dans le cas d’une alimentation riche en lipides.

Il convient néanmoins d’être  précis quant à ces découvertes. Ces observations ne sont en réalité valables que dans le cas de sujets entraînés. En d’autres termes, les tocards du dimanche ne tireront aucun bénéfice à adopter ce type de régime. Bien au contraire !

La rillette de Connéré ! Oui ! Mais pour ceux qui courent !

Aussi, il convient d’insister sur le fait que ces avantages concernent surtout les efforts de très longue durée.

En effet, un tel régime tend à diminuer fortement les réserves en glycogènes musculaires au cours des entraînements. Or il a été démontré dans les années 2000, à l’institut national du sport de Cape Town, qu’un épuisement des réserves en glycogène musculaire stimule les filières d’utilisation des lipides.

Ainsi, ces athlètes, à une intensité d’effort proche de 70%, utilisent plus de graisse que l’athlète lambda. Ils économisent ainsi leurs réserves en glycogène.

Pour reprendre notre modèle de départ, le moteur à tondeuse devient plus puissant. Il peut ainsi contribuer de façon plus importante à la production d’énergie !

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Jean-Philippe Brunon, membre de l'équipe de France des 24 heures courses à pied, a opté pour un régime riche en lipide et pauvre en glucides durant la phase d'entraînement, afin d'optimiser l'utilisation des graisses...

 

 

Il semble d’ailleurs que cette aptitude à « brûler » les graisses soient très variables selon les individus. Toujours à l’institut de Cape Town, il fut clairement démontré que certains individus à une intensité proche de 70% des capacités maximales aérobies pouvaient déjà n’utiliser que les glucides alors que d’autres produisaient encore 40% de leur énergie à partir des lipides. Ce derniers, « bruleurs de graisse », sont ainsi fortement avantagés par rapport aux autres, lorsqu’il s’agit d’effecteur un effort de longue durée.

Cette capacité à utiliser les lipides mêmes à des intensités relativement élevées, permet ainsi d’expliquer comment certains triathlètes parviennent à effectuer un Iron-man moins de 8 heures.

 Comment expliquer par exemple que des triathlètes tels Mark Allen aient pu terminer sur le mythique Ironman d’Hawai, son marathon en 2H40, après avoir pourtant effectué auparavant 180 bornes en 4H37 minute à vélo et nagé les 3,8 km en 51minutes. ? 

 Difficiles d’envisager qu’après l’épreuve de vélo, les réserves en glycogène soient encore suffisantes pour enquiller un marathon à une telle vitesse. Indéniablement ces triathlètes sont d’excellents « brûleurs de graisse ».

 

 

 

 

Alors faut-il oui ou non se plier au rituel des pâtes quelques jours avant compétition ? Faut-il forcément s’enfiler  ces immondes gatosports pour ne pas connaître la pénurie de carburants ? Scientifiquement, les effets bénéfiques d’une surcharge glucidique n’ont en tout cas pas pu être directement démontrés ? Quelle est la part de l’effet placebo dans le succès d’un tel régime ?

 

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Nathalie Mauclaire avant le départ pour la Hard Rock 100. Ultra de 160 km avec dix passage au-dessous 3800 mètres..Ne tenterait-elle pas de nous vendre du rêve mais aussi du placebo ? Les grandes firmes pharmaceutiques et agro-alimentaires, n'auraient-elles pas intérêt à ce que les glucides restent le carburant "roi" de l'effort ? 

 

 

Il convient de rester ouvert à toutes ces questions, d’autant que si ces réserves en glycogène musculaires jouent réellement un rôle, leur mode d’action reste lui aussi à élucider. Ainsi, Tim Noakes, le père de la théorie du gouverneur central, considère que ce glycogène ne serait pas simplement une molécule pouvant fournir de l’énergie mais   une molécule influençant la gestion de l’effort (pacing) ! Le taux de glycogène musculaire constituerait une sorte de signal métabolique informant en permanence le cerveau, qui module alors en conséquence l’intensité de l’activité, afin de ne pas mettre l’organisme en danger.

Dans ce modèle, la fatigue n’est plus induite par l’incapacité des muscles à se contracter en raison d’un manque de carburant, mais par le cerveau ayant pour fonction de protéger l’organisme d’une carence en un élément indispensable au fonctionnement d’organes vitaux….

Il existerait ainsi dans le cerveau, une région adaptant l’intensité de l’effort lorsque le taux de glycogène s’éloignerait d’une valeur de consignes..

 

Et Tim Noakes s’autorise même à penser que la magie de ces régimes hyperglucidiques pourrait résulter dans les 3 jours pauvres en glucides, précédant la semaine de surcharge.

Durant, ces trois jours, particulièrement chez les individus qui continuent à s’entraîner, les réserves de glycogène deviennent faibles. Et cette exposition à de faibles valeurs pourrait pré-programmer le gouverneur central à accepter celles-ci. Oui ! Dans le modèle de Tim Noakes, s’entraîner, c’est rassurer son cerveau, c’est le pré-programmer, afin qu’il autorise des intensités d’effort plus importantes.

Et si cette région du cerveau baptisée par ce physiologiste Sud-Africain, le gouverneur central, n’a jamais été identifiée, il n’en reste pas moins que de nombreuses autopsies musculaires sont venues démonter que 30% des réserves en glycogène musculaires sont encore présentes vers le trentième kilomètre, distance où survient fréquemment le mur…

 

Autour du même thème : 

La théorie du gouverneur central

Muscler son insula

La prépa mentale d'un vieux lord

La VMA à bout portant

Stratégie Billat

 

 

 Bibliographe !

Tim Noakes, Lore of running 

 

 

 

 

 

 



27/06/2017
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